PIE XII - DÉCRET D’EXCOMMUNICATION
DU PÈRE LÉONARD FEENEY
DÉCRET DU
SAINT-OFFICE EXCOMMUNIANT LE
R. P.
LEONARD FEENEY S. J.(13 février 1953) [i]
Il y a quelques années un groupe d’étudiants et d’étudiantes
de l’Université de Harvard se réunissaient régulièrement au Centre d’accueil
Saint-Benoît, à Boston, dont l’aumônier était le R. P. Leonard Feeney.
Trois professeurs laïques furent exclus du collège
des Pères Jésuites par décision du recteur, parce que professant sur la thèse «
Hors de l’Eglise pas de salut » des doctrines erronées.
Mais bientôt après le Père Feeney prenait fait et
cause pour ces professeurs et il les intégrait dans le corps professoral de son
Centre et se rebellait ainsi contre son supérieur. L’archevêque de Boston, S.
Excellence Mgr Cushing, se voyait obligé de condamner le Père Feeney et de lui
enlever à partir du 1er janvier 1949 les pouvoirs d’entendre les confessions.
Une lettre du Saint-Office dénonçait l’hérésie du
Père Feeney, mais celle-ci ne fut pas rendue publique au moment de sa
publication en août 1949.
Aussi nous donnons ici le texte de cette lettre du
Saint-Office du 8 août 1949.
Cette Suprême Sacrée Congrégation a suivi très
attentivement le commencement et le cours de la sérieuse controverse, soulevée
par certains associés du St. Benedict Center et du Boston
College, concernant l’interprétation de la maxime : « Hors de l’Eglise
point de salut ».
Après avoir examiné tous les documents nécessaires
ou utiles sur ce sujet — entre autres le dossier envoyé par votre chancellerie,
les recours et rapports où les associés duSt. Benedict Center exposent
leurs opinions et leurs réclamations, et en outre beaucoup d’autres documents
se rapportant à cette controverse recueillis par voie officielle, — la Sacrée
Congrégation a acquis la certitude que cette malheureuse question a été
soulevée parce que le principe « hors de l’Eglise point de salut » n’a pas été
bien compris ni examiné et que la controverse s’est envenimée par suite d’un
sérieux manquement à la discipline, provenant du fait que certains membres des
associations mentionnées ont refusé respect et obéissance aux autorités
légitimes.
En conséquence, les Eminentissimes et
Révérendissimes Cardinaux de notre Suprême Congrégation ont décrété en session
plénière, le mercredi 27 juillet 1949, et le Souverain Pontife, en l’audience
du jeudi suivant 28 juillet 1949, a daigné approuver l’envoi des explications
doctrinales, de l’invitation et des exhortations suivantes
Nous sommes obligés par la foi divine et catholique
à croire toutes les choses que contient la Parole de Dieu, Ecriture ou
Tradition, et que l’Eglise proposé à la foi comme divinement solennelle, mais
encore par son magistère ordinaire et universel[ii].
Or, parmi les choses que l’Eglise a toujours
prêchées et ne cessera pas d’enseigner, il y a aussi cette déclaration
infaillible où il est dit qu’il n’y a pas de salut hors de l’Eglise.
Cependant, ce dogme doit s’entendre dans le sens
que lui attribue l’Eglise elle-même. Le Sauveur, en effet, a
confié l’explication des choses contenues dans le dépôt de la foi, non pas au
jugement privé, mais à l’enseignement de l’autorité ecclésiastique.
Or, en premier lieu, l’Eglise enseigne qu’en cette
matière il existe un mandat très strict de Jésus-Christ, car il a chargé
explicitement ses apôtres d’enseigner à toutes les nations d’observer toutes
les choses qu’il avait lui-même ordonnées[iii].
Le moindre de ces commandements n’est pas celui qui
nous ordonne de nous incorporer par le Baptême au Corps mystique du Christ qui
est l’Eglise, et de rester unis avec lui et avec son Vicaire par qui lui-même
gouverne ici-bas son Eglise de façon visible.
C’est pourquoi nul ne se sauvera sachant
que l’Église est d’institution divine par le Christ, il refuse malgré cela de
se soumettre à elle ou se sépare de l’obédience du Pontife romain, Vicaire du
Christ sur la terre.
Non seulement notre Sauveur a-t-il ordonné que tous
les peuples entrent dans l’Eglise, il a aussi décrété que c’est là un moyen de
salut sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume éternel de la gloire.
Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que,
puisqu’il s’agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l’homme
non par nécessité intrinsèque, mais seulement par institution divine, leurs
effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances,
lorsque ces moyens sont seulement objets de « désir » ou de « souhait ». Ce
point est clairement établi au Concile de Trente aussi bien à propos du
sacrement de Baptême qu’à propos de la Pénitence[iv].
Il faut en dire autant, à son plan, de l’Eglise en
tant que moyen général de salut. C’est pourquoi, pour qu’une personne
obtienne son salut éternel, il n’est pas toujours requis qu’elle soit de fait
incorporée à l’Eglise à titre de membre, mais il faut lui être uni tout au
moins par désir ou souhait.
Cependant, il n’est pas toujours nécessaire que ce
souhait soit explicite comme dans le cas des catéchumènes. Lorsque
quelqu’un est dans une ignorance invincible, Dieu accepte un désir implicite,
ainsi appelé parce qu’il est inclus dans la bonne disposition de l’âme, par
laquelle l’on désire conformer sa volonté à celle de Dieu.
Ces choses sont clairement exprimées dans la Lettre
dogmatique publiée par le Souverain Pontife Pie XII, le 29 juin 1943, « sur le
Corps mystique de Jésus-Christ »[v]. Dans cette Lettre, en effet, le Souverain
Pontife distingue clairement ceux qui sont actuellement incorporés à l’Eglise
comme membres et ceux qui lui sont unis par le désir seulement.
Parlant des membres qui forment ici-bas le Corps
mystique, le même auguste Pontife dit: « Seuls font partie des membres de l’Eglise
ceux qui ont reçu le Baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre
part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps ou n’en
ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime
»[vi].
Vers la fin de la même Encyclique, invitant à l’unité,
avec la plus grande affection, ceux qui n’appartiennent pas au corps de I’Eglise
catholique, il mentionne ceux qui « par un certain désir et souhait
inconscient, se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur»[vii]. II ne
les exclut aucunement du salut éternel, mais il affirme par ailleurs qu’ils se
trouvent dans un état « où nul ne peut être sûr de son salut éternel »[viii],
et même qu’ « ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs
célestes, dont on rte peut jouir que dans l’Eglise catholique »[ix].
Par ces paroles, le Pape condamne aussi bien ceux
qui excluent du salut éternel les hommes qui ne sont unis à l’Eglise que par le
désir implicite, que ceux qui affirment erronément que tous les hommes peuvent
se sauver à titre égal dans toutes les religions[x].
Cependant, il ne faudrait pas croire que n’importe
quelle sorte de désir d’entrer dans l’Eglise suffise pour le salut. Le désir
par lequel quelqu’un adhère à l’Eglise doit être animé de charité parfaite. Un
désir implicite ne peut pas non plus produire son effet si l’on ne possède pas
la foi surnaturelle « car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe
et qu’il rémunère ceux qui le cherchent »[xi]. Le Concile de Trente
déclare[xii] : « La foi est le principe du salut de l’homme, le fondement
et la racine de toute justification. Sans elle, il est impossible de plaire à
Dieu et de compter parmi ses enfants »[xiii].
Il est évident, d’après ce qui précède, que les
idées proposées par le périodique From the Housetops (n.
3) comme l’enseignement authentique de l’Eglise catholique, sont loin de l’être
et sont très dangereuses aussi bien pour ceux qui sont dans l’Eglise que pour
ceux qui vivent en dehors d’elle
De cet exposé doctrinal découlent certaines
conclusions touchant à la discipline et à la conduite que ne peuvent
méconnaître ceux qui défendent avec vigueur la nécessité d’appartenir à la véritable
Eglise et de se soumettre à l’autorité du Pontife romain et des évêques « que l’Esprit-Saint
a désignés pour gouverner l’Eglise »[xiv].
C’est pourquoi il est inexplicable que le St.
Benedict Center puisse prétendre être un groupe catholique et désirer
être considéré comme tel et qu’en même temps il ne se conforme pas aux
prescriptions des canons 1381 et 1382 du Code de droit canonique, et continue d’être
une cause de discorde et de révolte contre l’autorité ecclésiastique, et de
trouble pour beaucoup de consciences.
En outre, il est difficile de comprendre qu’un
membre d’un Institut religieux, le P. Feeney, se présente comme « défenseur de
la foi » et qu’en même temps il n’hésite pas à attaquer l’enseignement donné
par les autorités légitimes et ne craigne même pas d’encourir les graves
sanctions dont le menacent les sacrés canons pour les violations graves de ses
devoirs de religieux, de prêtre et de simple membre de l’Eglise.
Enfin, il n’est pas prudent de tolérer que certains
catholiques revendiquent pour eux-mêmes le droit de publier un périodique, dans
l’intention d’y exposer des doctrines théologiques, sans la permission de l’autorité
ecclésiastique compétente, que l’on appelle imprimatur et qui est prescrite par
les sacrés canons.
Ceux, donc, qui s’exposent au grave danger de s’opposer
à l’Eglise, doivent méditer sérieusement qu’une fois que « Rome a parlé », ils
ne peuvent passer outre même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l’Eglise
et leur devoir d’obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui
adhèrent à elle « seulement par un désir inconscient ». Qu’ils comprennent qu’ils
sont les enfants de l’Eglise, affectueusement soutenus par elle avec le lait de
la doctrine et les sacrements, et que, après avoir entendu la voix de leur
Mère, ils ne peuvent donc pas être excusés d’ignorance coupable. Qu’ils
comprennent que le principe suivant s’applique à eux sans restriction : « La
soumission à l’Eglise catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au
salut».
Ce document était rendu public le 4 septembre 1952.
Le Père Feeney, au lieu de se soumettre, se révolta
davantage et commença une campagne de violence contre les autorités
religieuses. Le 25 octobre 1952, le Père fut mandé à Rome ; il refusa de s’y
rendre ; après un dernier avertissement, il fut excommunié.
Il continue à occuper le Centre Saint-Benoît et a
une centaine d’adeptes qui, au milieu de leurs prières, lancent des invectives
aux autorités religieuses. Ils se nomment « Esclaves du Coeur Immaculé de Marie
».
Comme le prêtre Léonard Feeney, résidant à Boston (Saint
Benedict Center), lequel à cause du grave refus d’obéissance à l’Autorité
ecclésiastique avait été déjà suspendu « a divinis », nonobstant les
avertissements réitérés et l’instante menace d’excommunication à encourir ipso
facto, n’est pas venu à résipiscence, les Eminentissimes et Révérendissimes
Pères préposés à la sauvegarde de la foi et des mœurs, dans la séance plénière
du mercredi 4 février 1953, l’ont déclaré excommunié avec tous les effets de droit.
Et le jeudi 12 février 1953, Sa Sainteté Pie XII,
Pape par la Providence de Dieu, a approuvé, confirmé le décret des
Eminentissimes Pères et ordonné qu’il fût rendu public.
[i] D’après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 100.
[ii] Denzinger, n.1792.
[iii] Matth., XXVIII, 19-20.
[iv] A. A. ., XXXV 1943, pp. 193 et s.
[v] Denzinger , n.797 et 807
[vi] Cf. Encyclique Mystici Corporis Christi.
[vii] Cf. Encyclique Mystici Corporis Christi.
[viii] Ibid.
[ix] Ibid.
[x] Cf. Pape Pie IX, Singulari quadam, Denzinger, n. 1641 s. ; Pie
XI, Quanto conficiamur moerore, Denzinger, n. 1677.
[xi] Hébr., XI, 6.
[xii] Session
VI, ch. VIII.
[xiii] Denzinger,
n.801
[xiv] Act. XX, 28.
Fonte: aqui.