De iudiciis astrorum
Du même Docteur Saint Thomas,
sur le jugement des astres.
Traduction par Pierre Monat,
12 avril 2007
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,
2007
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Prooemium
[69900] De
iudiciis astrorum, pr. Quia
petisti ut tibi scriberem an liceret iudiciis astrorum uti, tuae petitioni
satisfacere volens, super ea quae a sacris doctoribus traduntur, scribere
curavi.
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Préambule
Les
arrêts des astres. Puisque tu m'as demandé de t'écrire s'il était permis
d'avoir recours aux arrêts des astres, étant donné que je voulais satisfaire
à ta demande, j'ai pris soin d'écrire
ce qui nous a été transmis là-dessus par les saints docteurs.
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[69901] De
iudiciis astrorum, co. In primis
ergo oportet te scire, quod virtus caelestium corporum ad immutanda inferiora
corpora se extendit. Dicit enim
Augustinus, V de civitate Dei: non usquequaque absurde dici potest, ad
solas corporum differentias afflatus quosdam sidereos pervenire. Et ideo
si aliquis iudiciis astrorum utatur ad praenoscendum corporales effectus,
puta tempestatem et serenitatem aeris, sanitatem vel infirmitatem corporis,
vel ubertatem et sterilitatem fructuum, et cetera huiusmodi quae ex
corporalibus et naturalibus causis dependent, nullum videtur esse peccatum.
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Les
arrêts des astres. Tout d'abord, il te faut savoir que la puissance des corps
célestes s'étend jusqu'à modifier les corps inférieurs. Augustin (Cité de
Dieu, 5,-) dit : on peut soutenir sans aucune absurdité que certains
souffles astraux parviennent à provoquer
des variations dans les corps. Dès lors, si on a recours aux arrêts
des astres pour connaître d'avance des effets physiques, par exemple tempête et temps calme, santé ou maladie du
corps, abondance et pauvreté des récoltes et
toutes les choses de ce genre, qui dépendent de causes physiques et
naturelles, il est clair qu'il n'y a pas de péché.
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Nam omnes homines
circa huiusmodi effectus aliqua observatione utuntur caelestium corporum:
sicut agricolae seminant et metunt certo tempore, quod observatur secundum
motum solis; nautae navigationes vitant in plenilunio, vel in lunae defectu;
medici circa aegritudines criticos dies observant, qui determinantur secundum
cursum solis et lunae.
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De
fait, tous les hommes, quand il s'agit de faits de ce genre, ontt recours à
l'observation des corps célestes : ainsi les paysans sèment et
moissonnent à un moment donné, qui est déterminé d'après le mouvement du
soleil ; les marins évitent de naviguer à la pleine lune ou en éclipse
de lune ; les médecins, en face des maladies, respectent des jours
critiques qui sont déterminés par la course du soleil ou de la lune.
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Unde non est
inconveniens secundum aliquas alias occultiores observationes stellarum circa
corporales effectus uti astrorum iudicio. Hoc autem omnino tenere oportet,
quod voluntas hominis non est subiecta necessitati astrorum; alioquin periret
liberum arbitrium: quo sublato non deputarentur homini neque bona opera ad
meritum, neque mala ad culpam. Et ideo certissime tenendum est cuilibet
Christiano, quod ea quae ex voluntate hominis dependent, qualia sunt omnia
humana opera, non ex necessitate astris subduntur: et ideo dicitur Ierem. X,
2: a signis caeli nolite metuere, quae gentes timent.
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C'est
pourquoi il n'est pas condamnable d'avoir recours, en suivant d'autres
observations moins visibles sur les étoiles, d'avoir recours aux arrêts des
astres en matière de phénomènes physiques. Toutefois, il faut absolument
maintenir que la volonté de l'homme n'est pas soumise à une fatalité
astrale ; sans cela, ce serait la fin du libre arbitre ; et si on
le supprimait, ni les bonnes actions ne seraient alors comptées comme un
mérite pour l'homme, ni les mauvaises comme une faute. Et c'est pourquoi tout
chrétien doit soutenir fermement que tout ce qui dépend de la volonté
humaine, c'est le cas de toutes les actions humaines, ne dépend pas d'une
fatalité astrale : c'est pourquoi il est dit (Jér. 10,2) : ne craignez rien des signes du ciel que
redoutent les nations.
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Sed Diabolus ut
omnes pertrahat in errorem, immiscet se operibus eorum qui iudiciis astrorum
intendunt. Et ideo Augustinus dicit in II super Gen. ad litteram: fatendum,
quando ab astrologis vera dicuntur, instinctu quodam occultissimo dici, quem
nescientes humanae mentes patiuntur: quod cum ad decipiendos homines fit,
spirituum immundorum et seductorum operatio est; quibus quaedam vera de
temporalibus rebus nosse permittitur. Et ideo Augustinus dicit in II de
doctrina Christiana, quod huiusmodi observationes astrorum referendae sunt ad
quaedam pacta cum Daemonibus habita.
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Mais
le Diable, afin d'entraîner tous les hommes dans l'erreur, se mêle aux
actions de ceux qui prêtent attention aux arrêts des astres. C'est pourquoi
Augustin dit (Gen. ad Litt. II) : il faut reconnaître que, quand
des choses vraies sont dites par les astrologues, elles sont dites sous
l'effet d'une inspiration bien cachée, à laquelle les esprits humains sont
soumis sans le savoir ; comme cela se fait pour tromper les hommes,
c'est une opération des esprits immondes et trompeurs, auxquelsil est permis
de savoir un certain nombre de choses vraies sur les réalités temporelles.
C'est pourquoi Augustin dit (Doctt.chr. II) que ce genre de réussites des
astres doit être mis sur le compte de pactes passés avec les Démons.
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Est autem omnino
Christiano vitandum pactum vel societatem cum Daemonibus habere, secundum
illud apostoli, I Corinth. X, 20: nolo vos fieri socios Daemoniorum.
Et ideo pro certo tenendum est, grave peccatum esse, circa ea quae a
voluntate hominis dependent, iudicio astrorum uti.
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Le
chrétien doit absolument éviter de passer un pacte ou une alliance avec les
démons, selon le mot de l'Apôtre (I Cor. 10,20) : Je ne veux pas que
vous deveniez alliés des Démons. Voilà pourquoi il faut tenir pour assuré
que c'est un grave péché d'avoir recours aux arrêts des astres à propos de ce
qui dépend de la volonté de l'homme.
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Notes
(14) [1] Le destinataire
de cette lettre n'est pas identifié. Le ton familier employé par saint Thomas
nous autorise cependant à penser qu'il s'agissait d'un de ses confrères, mais
il reste que les manuscrits ne nous apprennent rien à ce sujet.
(15) [2] La Cité de
Dieu, V, 6.
(16) [3] Jer. X, 2.
(17) [4] Comm. litt. sur
la Genèse, II, 17.
(18) [5] Sur la doctrine
chrétienne, II, 23.