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quarta-feira, 5 de dezembro de 2012
segunda-feira, 15 de outubro de 2012
domingo, 14 de outubro de 2012
Traité sur les articles de Foi et sur les sacrements de l’Église
Saint Thomas d’Aquin,
à l’Archevêque de Palerme
Editions Louis
Vivès, 1857
Traduction vérifiée
et corrigée par Charles Duyck, juin 2005
Les œuvres
complètes de saint Thomas d’Aquin
Sancti Thomae de Aquino
De articulis Fidei et Ecclesiae sacramentis
ad archiepiscopum Panormitanum
Prooemium
De articulis Fidei, pr. Postulat a me vestra dilectio ut de articulis fidei et Ecclesiae sacramentis aliqua vobis compendiose pro memoriali transcriberem, cum dubitationibus quae circa haec moveri possent. Verum cum omne theologorum studium versetur circa dubietates contingentes articulos fidei et Ecclesiae sacramenta, si ad plenum vestrae petitioni satisfacere vellem, oporteret totius theologiae comprehendere summatim difficultates: quod quantum sit operosum, advertit vestra prudentia. Unde ad praesens vobis sufficiat, si articulos fidei et Ecclesiae sacramenta breviter vobis distinguam, et qui errores sunt circa quemlibet eorum vitandi.
PROLOGUE
Votre affection vous fait
me demander de vous transcrire en abrégé, et comme pour mémoire, quelques réflexions
sur les articles de foi et les sacrements de l’Eglise, avec les doutes qui
peuvent être agités sut ces mêmes sujets et ces mêmes sacrements. Mais comme l’attention
tout entière des théologiens a pour objet les hésitations qui touchent les
articles de foi et les sacrements de l’Eglise, si je voulais satisfaire
pleinement à votre demande, il faudrait embrasser sommairement toutes les
difficultés de la théologie: votre esprit sagace comprend tout ce qu’un
semblable travail comporte de pénible. Qu’il vous suffise donc pour le moment
que je vous distingue brièvement les articles de foi et les sacrements de l’Eglise,
ainsi que les erreurs à éviter par rapport à chacun d’eux.
Pars 1 : De articulis fidei
De articulis Fidei, pars 1 In primis igitur
vos scire oportet, quod tota fides Christiana circa divinitatem et humanitatem
Christi versatur. Unde Christus voce Ioannis loquens ait, Ioan. XIV, 1: creditis
in Deum, et in me credite. Circa utrumque autem horum a quibusdam sex, a
quibusdam septem articuli distinguuntur: et sic omnes articuli secundum quosdam
duodecim, secundum quosdam quatuordecim esse dicuntur. Primo igitur sex articulos sic distinguunt circa fidem divinitatis. Sunt enim circa divinitatem tria consideranda, scilicet
unitas divinae essentiae, Trinitas personarum, et effectus divinae virtutis.
Primus igitur articulus est ut credamus essentiae divinae unitatem, secundum
illud Deut. VI, 4: audi Israel: dominus Deus tuus, Deus unus est. Contra
hunc autem articulum plures errores vitandi occurrunt. Primo quidem quorundam
gentilium sive Paganorum, ponentium plures deos, contra quos dicitur Exod. XX,
3: non habebis deos alienos coram me. Secundus
est error Manichaeorum, qui ponunt duo principia esse: unum a quo sunt omnia
bona, aliud a quo sunt omnia mala, contra quos dicitur Isai. XLV, 6: ego
dominus non est alter formans lucem, et creans tenebras, faciens pacem, et
creans malum: quia ipse secundum suam iustitiam infligit malum poenae, cum
esse conspicit in sua creatura malum culpae. Tertius est error
Anthropomorphitarum ponentium unum Deum, sed dicentium eum corporeum, et ad
modum humani corporis formatum, contra quos dicitur Ioan. IV, 24: spiritus est Deus; et Isai. XL, 18: cui similem fecistis
Deum, aut quam imaginem ponetis ei? Quartus est error Epicureorum ponentium
quod Deus non habet providentiam et scientiam de rebus humanis, contra quos
dicitur I Petr. ult., 7: omnem sollicitudinem proiicientes in eum, quoniam
ipsi cura est de vobis. Quintus error est quorundam gentilium philosophorum
dicentium Deum non esse omnipotentem, sed quod solum potest ea quae naturaliter
fiunt, contra quos dicitur in Psal. CXIII, 3: omnia quaecumque voluit,
dominus fecit. Omnes igitur hi derogant unitati divinae essentiae vel
perfectioni, unde contra omnes ponitur in symbolo: credo in unum Deum patrem
omnipotentem.
Première partie : Les articles de la foi
DES OPÉRATIONS OCCULTES DE LA NATURE
A UN
SOLDAT
De operationibus
occultis naturae
ad quendam
militem ultramontanum
SAINT
THOMAS D'AQUIN, DOCTEUR DE L'ÉGLISE
(Oeuvre authentique, 1269-1272)
Edition Louis Vivès, 1857, corrigée par Carmo Silva,
Lisbonne, septembre 2005
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,
2005
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
La confiance que votre amitié pour moi vous
inspire à mon égard, a fait que vous voulez bien me demander de vous écrire mon
opinion sur certains mouvements naturels des corps, dont les principes ne
peuvent être appréciés [à défaut de
connaissances, puisque nous ne pouvons pas les analyser.]
Nous voyons, en effet, que le mouvement d’un
corps est en raison de la qualité des éléments qui entrent dans sa composition,
par exemple, une pierre se meut en proportion de la qualité de la terre qui la
compose. De même, [les métaux sont réfrigérants selon la quantité d’eau qu’ils
renferment.] Les métaux ont la propriété de rafraîchir, de même que
l’eau.
Par conséquent toutes
les actions et les mouvements des corps composés sont en raison des propriétés
et de la puissance des éléments qui les constituent on ne peut établir de doute
sur leur origine, tant elle est évidente.
Mais il y a telles
opérations qui ne peuvent pas tirer leur source de la vertu des éléments, par
exemple, l’attraction du fer par l’aimant, et la déjection de telles humeurs
déterminées dans telles parties du corps au moyen de certains remèdes. Il faut
donc ramener de telles opérations à des principes plus élevés.
Mais on doit faire
attention que si
l’agent inférieur se meut, ou a une double action relative à la puissance de
l’agent supérieur.
D’abord, en tant que
l’action procède de lui dans la forme ou la puissance qui lui est imprimée par
l’agent supérieur; comme la lune, qui est éclairée par la lumière du soleil.
Secondement, il agit par
la seule vertu de l’agent supérieur sans avoir reçu de forme pour agir, mais il
est mû par le simple mouvement de l’agent supérieur, comme le charpentier se
sert de sa scie pour scier le bois.
La section du bois est,
premièrement l’action de l’ouvrier et secondairement celle de la scie en tant
que mue par le charpentier, non que cette action soit l’effet d’une forme ou
d’une puissance quelconque, qui soit inhérente à la scie après l’action de
l’homme.
Car s’il y a des corps composés qui reçoivent
quelque action ou quelque mouvement d’agents supérieurs, ceci doit avoir lieu
par un autre mode que ceux que nous avons indiqués, c’est-à-dire que ces actes
doivent recevoir des formes ou des qualités imprimées par des agents supérieurs
dans les corps composés, ou que ces actes reçoivent seulement le mouvement des
éléments des corps composés de ces agents supérieurs.
Or, les agents
supérieurs qui dépassent la nature des corps composés et des éléments ne sont
pas seulement les corps célestes mais aussi les substances supérieures
séparées.
On trouve en effet,
quelquefois, leur influence sur les actes et les mouvements des corps
inférieurs qui ne procèdent pas d’une forme imprimée aux corps inférieurs, mais
seulement du mouvement imprimé par les agents supérieurs.
Car le flux et le reflux
de la mer a lieu par l’influence de la lune, en dehors de la propriété de
l’élément de l’eau; non par une forme qui lui soit imprimée, mais du mouvement
de la lune, qui lui imprime son mouvement d’allée et de venue.
On remarque encore, dans
les figures de nécromancie, des effets qui ne sont pas le résultat des formes
qu’elles auraient pu recevoir, mais de l’action des démons qui opère sur ces
images ce que nous croyons cependant être quelquefois l’opération du doigt de
Dieu ou des bons anges.
Car lorsque l’ombre de
l’apôtre saint Pierre guérissait les malades, ou quand une maladie disparaît au
contact des reliques d’un saint, ceci n’est pas l’effet d’une forme imprimée à
ces corps, mais seulement l’oeuvre de Dieu qui se sert de ces corps pour
obtenir ces effets.
II est évident, néanmoins, qu’il n’en est pas
ainsi de toutes les opérations des corps composés possédant des vertus
occultes.
D’abord, parce que ces
opérations qui ne sont pas l’effet d’une forme, ne sont pas ordinaires à toutes
celles de la même espèce.
Car ni tous les ossements, n’ont pas la vertu de
guérir, et le flux et le reflux provenant du mouvement de la lune ne se
produit pas sur toutes les eaux.
Il y a cependant dans
certains corps, des opérations occultes, qui se présentent dans tous les corps
de la même espèce, par exemple, toute pierre d’aimant attire le fer: d’où on
est obligé de conclure que ces opérations sont la conséquence d’un principe
intrinsèque dans tous les objets de la même espèce.
Ensuite, les opérations
dont nous avons parlé, ne sont pas toujours le résultat des causes de ce genre;
ce qui le prouve évidemment, c’est qu’elles ne proviennent pas d’une qualité
inhérente et fixe, mais simplement de l’action d’un agent supérieur; ainsi, une
scie ne coupe pas toujours le bois auquel elle est appliquée, mais seulement
lorsque l’artisan lui imprime le mouvement à cet effet.
Les corps inférieurs ont
aussi certaines opérations occultes, lesquelles appliquées à leurs opposés
produisent toujours les mêmes effets. Ainsi la rhubarbe purge toujours une
certaine humeur; d’où je conclus que son action a sa cause dans une certaine
vertu inhérente à tel corps.
Il nous faut examiner maintenant, quel est ce
principe intrinsèque permanent, qui donne lieu à ces opérations.
Or, il paraît que ce principe consiste en une
espèce de puissance. On appelle puissance le principe intrinsèque qui donne
action à l’agent, ou qui la fait subir au sujet; cette puissance; en tant
qu’elle est rapportée au dernier principe qui donne la puissance à un objet,
reçoit le titre et le caractère de vertu.
Et cette vertu qui est le principe de ces
actions ou des sujets, paraît évidemment dériver de la forme spécifique d’un
objet. De là vient que pour faire voir les propriétés particulières passives de
leurs sujets, on prend pour la définir ce qui désigne les principes essentiels
d’un objet.
Or, le principe de l’essence et de la quiddité
est la forme qui se trouve dans une matière déterminée. Il est donc
indispensable que ces vertus procèdent des formes de tels objets, en tant qu’e
dans leurs matières propres.
Ensuite, puisqu’on donne le nom de nature ou de
matière d’un objet à sa forme, si la vertu d’un objet n’en dérive pas, il
n’aura pas la vertu naturelle, et par suite, l’action ou la suggestion qui ne
procèdera pas de cette vertu ne sera pas naturelle.
Or, les actions qui ne sont pas naturelles, ne
sont que de peu de durée et sont à peu, près ce qu’est l’eau chaude à l’égard
de l’objet qu’elle doit échauffer. Mais les actions occultes, dont nous parlons
maintenant, sont toujours ainsi ou du moins très fréquemment.
Il s’ensuit donc que les vertus qui sont les
principes de ces actions sont essentielles, procédant de la forme relativement
à ce qu’il y a dans cette matière.
Les Platoniciens attribuaient le principe des
formes substantielles aux substances séparées, auxquelles ils donnaient le nom
de conceptions ou d’idées, dont ils disaient que les images étaient les formes
naturelles imprimées à la matière: mais ce principe paraît insuffisant.
D’abord, parce qu’il faut que l’auteur ressemble
à son oeuvre: or, ce qui se fait dans les objets naturels n’est pas une forme,
mais un composé de matière et de forme, car on fait une chose pour qu’elle
soit.
L’être est proprement dit un composé subsistant;
la forme est appelée l’être par lequel une chose est. La forme n’est donc pas,
à proprement parler, ce qui est, mais seulement le composé.
Donc, ce qui fait que les choses naturelle
subsistent, n’est pas la forme seule, mais le composé. Ensuite, il faut que les
formes existant hors de la matière soient immuables, parce que le mouvement est
l’acte de ce qui existe en puissance, attribut qui convient avant tout à la matière, ce qui fait qu’elles
doivent être toujours les mêmes.
D’une cause immuable procèdent des formes
immuables; ce qui n’existe pas dans les formes des corps inférieurs, à cause de
la génération et de la corruption qui sont propres à ces corps.
Il s’ensuit donc que les principes des formes de
ces corps corruptibles, sont les corps célestes, immuables selon que leur accroissement
ou leur décroissement donnent la génération, ou apportent la corruption aux
corps inférieurs.
Cependant, ces formes procèdent des substances
séparées, comme de leurs premiers principes, qui, au moyen de l’influence ou du
mouvement des corps célestes, impriment les formes qu’ils veulent à la matière
corporelle.
Et comme nous avons prouvé que les actions et
les vertus des corps naturels sont produites par des formes spéciales, il
s’ensuit qu’elles sont réduites plus tard en une espèce de principes plus
élevés, en corps célestes ou en puissance de corps célestes, et encore plus
tard, en substances séparées intellectuelles, quoiqu’il n’apparaisse après,
qu'un vestige de ces esprits dans les opérations des objets naturels.
Ces opérations naturelles ont lieu en même temps
qu’une espèce de transformation et dans un espace de temps donné, déterminé par
la marche d’un corps céleste: et ces opérations de la nature faites par les
substances séparées intellectuelles se produisent par des voies fixes et ont un
but déterminé avec ordre et mesure, ainsi que ce qui se fait avec art et
intelligence, tellement qu’on dirait l’oeuvre d’une main habile et exercée;
c’est ce qui fait dire que la nature opère avec sagacité.
L’oeuvre d’un homme sage doit être faite avec
ordre; car c’est là le propre de la sagesse d’ordonner chaque chose
convenablement.
Ainsi donc, comme les formes des corps
inférieurs sont le fruit de la sagesse d’une substance séparée, au moyen de la
puissance et du mouvement des corps célestes, on doit remarquer eu elles un
certain ordre, de façon qu’il y en ait de moins parfait et très rapprochées de
la matière, et d’autres plus parfaites et qui tiennent de plus près aux agents
supérieurs.
Les moins parfaites et rapprochées de la
matière, sont les formes des éléments qui servent à la composition matérielle
des corps inférieurs: elles sont d’autant plus distinguées quelles sont plus écartées dune composition
par des élements contraires et plus proches d’un certain équilibre dans sa
composition qui les fait
s’assimiler d’une certaine manière aux corps célestes, lesquels sont à l’abri
de toute influence étrangère.
Mais un composé de contraires ne l’est seulement
qu’en puissance et nullement en acte. Aussi, plus ces corps sont proches d’une
composition équilibrée plus ils participent d’une forme distinguée,
par exemple, le corps humain, qui est un mélange parfait d’éléments, comme le
prouve la délicatesse du tact de l’homme, et qui a une forme très noble,
c’est-à-dire une âme raisonnable: or, les qualités et les actions doivent être
proportionnées aux formes d’où elles procèdent.
D'où vient que les formes des éléments, qui sont
matérielles par dessus tout, ont les qualités actives et passives, telles que,
le chaud et le froid, l’humide et le sec, et autres semblables qui tiennent à
la disposition de la matière.
Au lieu que les formes des corps mixtes, mais qui sont
inanimés, par exemple, les pierres, les métaux, les minéraux, en vertu des
qualités et des actions qu’elles tirent des éléments dont elles sont formées,
en ont d’autres plus distinguées, qui sont la conséquence de leurs formes
spécifiques, comme par exemple, l’or qui réjouit le coeur, le saphir qui modère
l’activité du sang: et toujours par gradation, plus les formes spécifiques sont
distinguées, plus les opérations et les qualités qui en dérivent, sont
excellentes, par exemple, la plus noble des formes, qui est l’âme raisonnable,
a une puissance et une action intellectuelle, lesquelles sont bien au-dessus
non seulement de la vertu et de l’action des éléments, mais encore de la vertu
et de l’action des corps.
Nous allons examiner actuellement ce que l’on
doit penser des formes du dernier degré. En effet, de même que le feu a la
propriété de réchauffer et l’eau celle de rafraîchir, comme conséquence de
leurs formes spécifiques, la puissance et l’action intellectuelles de l’homme
sont la conséquence de l’âme raisonnable, de même toutes les vertus et les
actions des éléments, reçoivent leurs formes propres et sont ramenées, comme
par des principes plus distingués, en vertu des corps célestes, et encore à une
manière d’être plus élevée, c’est-à-dire en substances séparées.
Car toutes ces formes des corps inférieurs dé
rivent de ces principes, moins l’âme raisonnable, car elle procède d’une cause
tellement immatérielle, c’est-à-dire de Dieu, qu’elle n’est produite d’aucune
façon par la vertu des corps célestes, et qu’elle ne saurait, s’il en était
autrement, avoir de puissance et d’opérations intellectuelles entièrement séparées
du corps.
Ainsi donc, comme ces vertus et ces opérations
dérivent d’une forme spécifique, qui est commune à tous les individus de la
même espèce, il est impossible qu’aucun individu d’une espèce quelconque
obtienne cette puissance et cette action davantage à l’égard des autres individus de la même
espèce, pour cette raison qu’il a été engendré sous une
constellation déterminée.
Il peut se faire néanmoins que dans un individu
de la même espèce, l’opération qui se rattache à l’espèce soit plus ou moins
énergique, selon les différentes dispositions de la matière et les positions
des corps célestes qui ont présidé à la génération de tel ou tel autre
individu.
Il résulte donc, en dernier lieu, de tout ce que
l’on vient de dire, que -les formes artificielles sont des accidents nullement
attachés a l’espèce. Car il ne peut arriver qu’une chose artificielle
participe, dans son opération, de la vertu et de l’influence des corps
célestes, ou acquière de cette source la puissance de produire des effets
naturels supérieurs aux vertus des éléments.
Car si une puissance semblable existait dans les
objets artificiels, elle ne recevrait aucune forme des corps célestes, puisque
la forme d’un tel objet n’est rien autre que l’ordre, la composition et la
configuration, qui ne peuvent être l’origine de ces vertus et de ces
opérations.
Ce qui nous fait voir que si les objets
artificiels donnent un degré de perfection à ces vertus, comme, par exemple, si
un objet de sculpture donne la mort aux serpents, rend immobiles les animaux ou
les blessent, il ne faut pas en chercher la cause dans une vertu certaine et
permanente, mais dans la puissance d'un agent extérieur, qui s’en sert comme
d’instrument pour obtenir ces résultats.
On ne peut pas dire davantage, que ces
opérations soient l’effet de l’influence des corps célestes, parce qu’ils
agissent naturellement sur ces objets inférieurs; ou bien parce qu’un corps est
configuré de telle ou telle manière, il n’a pas d’aptitude, dans un degré plus
ou moins élevé, à recevoir l’impression d’un agent naturel.
Ce qui fait donc qu’il est impossible que les
tableaux ou les sculptures, faites dans l’intention de donner tels effets
particuliers, retirent une influence quelconque des corps célestes, quoiqu’ils
semblent être produits sous certaines constellations, mais seulement de
quelques agents supérieurs, qui opèrent à l’aide des figures et des sculptures.
Or, comme ces figures sont composées d’une
matière naturelle leur forme leur vient de l’art; de même les paroles proférées
par un homme ont bien une matière naturelle, savoir les sons produits par la
bouche de l’homme; mais elles ont leurs sens et comme leur forme, de
l’intellect qui rend leurs idées, au moyen de ses sons.
En sorte que, par la même raison, les paroles
humaines ne tirent pas leur efficacité pour un certain changement d’un corps
naturel de l’influence d’une cause naturelle, mais seulement, de quelque
substance spirituelle.
Car ces opérations produites par de telles
paroles, ou par des figures ou des sculptures quelconques, ou autres choses semblables,
ne sont pas naturelles, en tant qu’elles ne procèdent pas d’une vertu
intrinsèque, mais extérieure, et sont de pures superstitions.
Mais les opérations que nous avons dit être la
conséquence des formes des corps, sont naturelles, en tant que procédant de
principes intrinsèques.
En voilà assez, pour le moment, sur les actions
et les opérations occultes.
Fin du trente-troisième Opuscule de saint Thomas d’Aquin,
sur les opérations occultes de la nature.
Lettre sur la légitimité du recours à l'astrologie
De iudiciis astrorum
Du même Docteur Saint Thomas,
sur le jugement des astres.
Traduction par Pierre Monat,
12 avril 2007
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,
2007
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Prooemium
[69900] De
iudiciis astrorum, pr. Quia
petisti ut tibi scriberem an liceret iudiciis astrorum uti, tuae petitioni
satisfacere volens, super ea quae a sacris doctoribus traduntur, scribere
curavi.
|
Préambule
Les
arrêts des astres. Puisque tu m'as demandé de t'écrire s'il était permis
d'avoir recours aux arrêts des astres, étant donné que je voulais satisfaire
à ta demande, j'ai pris soin d'écrire
ce qui nous a été transmis là-dessus par les saints docteurs.
|
[69901] De
iudiciis astrorum, co. In primis
ergo oportet te scire, quod virtus caelestium corporum ad immutanda inferiora
corpora se extendit. Dicit enim
Augustinus, V de civitate Dei: non usquequaque absurde dici potest, ad
solas corporum differentias afflatus quosdam sidereos pervenire. Et ideo
si aliquis iudiciis astrorum utatur ad praenoscendum corporales effectus,
puta tempestatem et serenitatem aeris, sanitatem vel infirmitatem corporis,
vel ubertatem et sterilitatem fructuum, et cetera huiusmodi quae ex
corporalibus et naturalibus causis dependent, nullum videtur esse peccatum.
|
Les
arrêts des astres. Tout d'abord, il te faut savoir que la puissance des corps
célestes s'étend jusqu'à modifier les corps inférieurs. Augustin (Cité de
Dieu, 5,-) dit : on peut soutenir sans aucune absurdité que certains
souffles astraux parviennent à provoquer
des variations dans les corps. Dès lors, si on a recours aux arrêts
des astres pour connaître d'avance des effets physiques, par exemple tempête et temps calme, santé ou maladie du
corps, abondance et pauvreté des récoltes et
toutes les choses de ce genre, qui dépendent de causes physiques et
naturelles, il est clair qu'il n'y a pas de péché.
|
Nam omnes homines
circa huiusmodi effectus aliqua observatione utuntur caelestium corporum:
sicut agricolae seminant et metunt certo tempore, quod observatur secundum
motum solis; nautae navigationes vitant in plenilunio, vel in lunae defectu;
medici circa aegritudines criticos dies observant, qui determinantur secundum
cursum solis et lunae.
|
De
fait, tous les hommes, quand il s'agit de faits de ce genre, ontt recours à
l'observation des corps célestes : ainsi les paysans sèment et
moissonnent à un moment donné, qui est déterminé d'après le mouvement du
soleil ; les marins évitent de naviguer à la pleine lune ou en éclipse
de lune ; les médecins, en face des maladies, respectent des jours
critiques qui sont déterminés par la course du soleil ou de la lune.
|
Unde non est
inconveniens secundum aliquas alias occultiores observationes stellarum circa
corporales effectus uti astrorum iudicio. Hoc autem omnino tenere oportet,
quod voluntas hominis non est subiecta necessitati astrorum; alioquin periret
liberum arbitrium: quo sublato non deputarentur homini neque bona opera ad
meritum, neque mala ad culpam. Et ideo certissime tenendum est cuilibet
Christiano, quod ea quae ex voluntate hominis dependent, qualia sunt omnia
humana opera, non ex necessitate astris subduntur: et ideo dicitur Ierem. X,
2: a signis caeli nolite metuere, quae gentes timent.
|
C'est
pourquoi il n'est pas condamnable d'avoir recours, en suivant d'autres
observations moins visibles sur les étoiles, d'avoir recours aux arrêts des
astres en matière de phénomènes physiques. Toutefois, il faut absolument
maintenir que la volonté de l'homme n'est pas soumise à une fatalité
astrale ; sans cela, ce serait la fin du libre arbitre ; et si on
le supprimait, ni les bonnes actions ne seraient alors comptées comme un
mérite pour l'homme, ni les mauvaises comme une faute. Et c'est pourquoi tout
chrétien doit soutenir fermement que tout ce qui dépend de la volonté
humaine, c'est le cas de toutes les actions humaines, ne dépend pas d'une
fatalité astrale : c'est pourquoi il est dit (Jér. 10,2) : ne craignez rien des signes du ciel que
redoutent les nations.
|
Sed Diabolus ut
omnes pertrahat in errorem, immiscet se operibus eorum qui iudiciis astrorum
intendunt. Et ideo Augustinus dicit in II super Gen. ad litteram: fatendum,
quando ab astrologis vera dicuntur, instinctu quodam occultissimo dici, quem
nescientes humanae mentes patiuntur: quod cum ad decipiendos homines fit,
spirituum immundorum et seductorum operatio est; quibus quaedam vera de
temporalibus rebus nosse permittitur. Et ideo Augustinus dicit in II de
doctrina Christiana, quod huiusmodi observationes astrorum referendae sunt ad
quaedam pacta cum Daemonibus habita.
|
Mais
le Diable, afin d'entraîner tous les hommes dans l'erreur, se mêle aux
actions de ceux qui prêtent attention aux arrêts des astres. C'est pourquoi
Augustin dit (Gen. ad Litt. II) : il faut reconnaître que, quand
des choses vraies sont dites par les astrologues, elles sont dites sous
l'effet d'une inspiration bien cachée, à laquelle les esprits humains sont
soumis sans le savoir ; comme cela se fait pour tromper les hommes,
c'est une opération des esprits immondes et trompeurs, auxquelsil est permis
de savoir un certain nombre de choses vraies sur les réalités temporelles.
C'est pourquoi Augustin dit (Doctt.chr. II) que ce genre de réussites des
astres doit être mis sur le compte de pactes passés avec les Démons.
|
Est autem omnino
Christiano vitandum pactum vel societatem cum Daemonibus habere, secundum
illud apostoli, I Corinth. X, 20: nolo vos fieri socios Daemoniorum.
Et ideo pro certo tenendum est, grave peccatum esse, circa ea quae a
voluntate hominis dependent, iudicio astrorum uti.
|
Le
chrétien doit absolument éviter de passer un pacte ou une alliance avec les
démons, selon le mot de l'Apôtre (I Cor. 10,20) : Je ne veux pas que
vous deveniez alliés des Démons. Voilà pourquoi il faut tenir pour assuré
que c'est un grave péché d'avoir recours aux arrêts des astres à propos de ce
qui dépend de la volonté de l'homme.
|
Notes
(14) [1] Le destinataire
de cette lettre n'est pas identifié. Le ton familier employé par saint Thomas
nous autorise cependant à penser qu'il s'agissait d'un de ses confrères, mais
il reste que les manuscrits ne nous apprennent rien à ce sujet.
(15) [2] La Cité de
Dieu, V, 6.
(16) [3] Jer. X, 2.
(17) [4] Comm. litt. sur
la Genèse, II, 17.
(18) [5] Sur la doctrine
chrétienne, II, 23.
LES PRINCIPES DE LA RÉALITE NATURELLE De principii naturae
au Frère Sylvestre (1255)
OPUSCULE 31
(Œuvre authentique)
DE SAINT THOMAS D'AQUIN
Editions Louis Vivès, 1857
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
1. — Ce qui peut exister, mais n’existe pas, ou
bien ce qu’une chose peut devenir, mais n’est pas encore devenue, est appelé
l’être en puissance. Ce qui existe est appelé l’être en acte. Mais il y a deux
sortes d’êtres. Première ment l’être essentiel, ou être substantiel d’une
chose, par exemple être un homme; c’est l’être considéré en lui-même.
Secondement, l’être accidentel, par exemple le fait qu’un homme ait la peau
blanche: c’est l’être considéré sous un rapport particulier. Ces deux sortes
d’être peuvent exister en puissance. Pour que l’homme existe, il faut qu’il
existe en puissance dans les gamètes mâle et femelle; pour que l’homme soit un
homme blanc, il faut qu’il soit susceptible d’avoir une peau blanche, il faut
qu’il soit blanc en puissance. L’état en puissance d’un être substantiel ou
d’un être accidentel, c’est la matière: le gamète par rapport à l’homme;
l’homme par rapport au fait d’être un homme blanc. Mais ces deux potentiels se
distinguent l’un de l’autre: l’état potentiel d’un être substantiel, c’est la
matière dont il est fait; l’état potentiel d’un être accidentel, c’est la
matière où il s’actualise.
2. — L’état potentiel de l’être substantiel, c’est
la matière première; l’état potentiel de l’être accidentel, c’est le sujet: le
sujet donne l’être à l’accident, c’est-à-dire qu’il lui donne d’exister, car un
accident n’a aucune existence en dehors d’un sujet. Pour cette raison, on dit
que les accidents sont dans le sujet, tandis qu’on ne dit point que la forme
substantielle est dans le sujet. Ainsi la matière se distingue du sujet: l’être
du sujet ne pro vient pas de quelque chose qui lui advient; le sujet est par
soi, il possède un être complet: l’homme ne doit pas son être à la couleur de
sa peau. La matière, elle, reçoit l’être de quelque chose qui lui advient, car
d’elle- même elle est un être incomplet, ou plutôt elle n’a aucune existence
par elle-même, comme le dit le commentateur d’Aristote, Averroès. La forme
donne l’être à la matière, tandis que l’accident ne donne pas l’être au sujet;
c’est le sujet qui donne l’être à l’accident et pourtant on les prend
quelquefois l’un pour l’autre, la matière pour le sujet ou inversement.
3. — De même que tout ce qui est en puissance peut
être appelé “matière”, de même tout ce dont on reçoit le fait d’exister —
d’exister comme substance ou d’exister comme accident — peut être appelé “forme”.
Par exemple l’homme, qui est blanc en puissance, devient blanc en acte par la
couleur blanche; et le gamète, qui est homme en puissance, devient un homme en
acte lorsqu’il reçoit une âme. La forme fait exister en acte on dit que la
forme est l’existence en acte. La forme substantielle est celle qui fait
exister en acte un être substantiel; la forme accidentelle est celle qui fait
exister en acte un être accidentel.
4. — La production d’un être est un mouvement vers
la forme. Aux deux sortes de formes correspondent deux sortes de production: à
la forme substantielle correspond la production proprement dite; à la forme
accidentelle correspond la production sous un rapport particulier. Quand il
s’agit d’une forme substantielle, on dit qu’il y a production à proprement
parler: la naissance d’un homme. Quand il s’agit d’une forme accidentelle, il
n’y a pas naissance d’un être nouveau, mais transformation d’un être, qui
devient ce qu’il n’était pas encore: quand un homme devient blanc, ce n’est pas
la production ou naissance d’un nouvel homme; c’est seule ment un homme déjà
existant qui pâlit. Ces deux sortes de production ont pour contraires deux
sortes de désintégration: la désintégration substantielle et la désintégration
accidentelle. La production et la désintégration substantielles existent
seulement dans le genre de la substance; la production et la désintégration
accidentelles existent dans les neuf autres catégories, qui sont les accidents.
La production est en quelque sorte un passage du non-être à l’être; la
désintégration, en sens inverse, est une sorte de passage de l’être soit à une
autre manière d’être, soit au non-être; c!est pourquoi la production ne se fait
pas à partir de n’importe quel non- être, mais à partir de ce non-être qu’est
l’être en puissance: par exemple on produit une statue à partir d’un bloc qui
est statue en puissance mais non en acte.
5. — Pour qu’il y ait production, trois choses
sont requises:
1° l’être en puissance, qui est la matière;
2° le non-être en acte, qui est la privation;
3° et ce qui fait exister en acte la forme.
Quand d’un bloc on fait une statue, le bloc, qui est en puissance par rapport à
la forme de la statue, constitue la matière; l’allure informe du bloc est la
privation; la configuration de la statue est la forme.
Ce n’est pas une forme substantielle: car le bloc, avant de recevoir la
configuration d’une statue, possède l’existence en acte; cette existence ne
dépend pas de la configuration qu’il reçoit; la forme de la statue est une
forme accidentelle. D’ailleurs toutes les formes fabriquées par l’homme sont
des formes accidentelles. La technique humaine ne s’exerce que sur ce que la
nature a déjà fait exister en acte.
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